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Discipline | chronique

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album  : Discipline
groupe : King Crimson
sortie   : 1981

+ chronique King Crimson

01- Elephant Talk
02- Frame By Frame
03- Matte Kudasai
04- Indiscipline
05- Thela Hun Ginjeet
06- The Sheltering Sky
07- Discipline

La discipline dans l'indiscipline  par  Doc

De l'avis de Robert Fripp, King Crimson est avant tout une philosophie, une manière d'approcher la musique plutôt qu'un résultat sur un cd. Et comme dans toute philosophie il y a des phrases clefs, des mots d'ordre à respecter.

L'une d'elle est "ne jamais devenir assez connu pour que les gens s'intéressent à toi". C'est cette dérobade de Fripp qui a construit son mystère, forgeant de King Crimson une image de société secrète dont on ne sait rien. Sont-ils en train d'enregistrer ? Ont-ils splitté ?

Une autre est "discipline". Attention à ne pas mal comprendre, tout est dans l'approche musicale. La musique de King Crimson à l'écoute n'a rien de disciplinée, on a même souvent l'impression d'un grand bordel. C'est même justement cette folie musicale qui a fait la renommée du groupe. Mais dans ce bordel, il n'y a aucune place pour l'improvisation. Tout est cadré, calculé au milimètre, chaque note est prévue, chaque coup de caisse claire est pensé. Pas une fausse note, pas un écart dans le chant, pas une accélération. Même lorsqu'on croit que la guitare disjoncte, elle suit en réalité toujours une gamme précise. C'est ça l'originalité de King Crimson, c'est le bordel construit. La discipline dans l'indiscipline.

Par rapport à des albums précédents, Discipline fait moins mini opéra, donc loin de In The Court Of The Crimson King. Il s'inscrit plutôt dans la suite de Red ( 1974 ). On n’y trouve plus de ces instruments ou sons bizarres, sobriété de ce côté avec seulement guitares, basse et batterie ( claviers de temps en temps aussi ).
C’est le cas du dernier morceau, Discipline, morceau instrumental où sur un fond de batterie et de basse, les guitares s’empilent, s’emmêlent, se superposent, se répondent, bref une grande discussion rythmique et symphonique d’instruments. Une musique facile d’accès et très écoutable. Frame By Frame et Matte Kudasai se logent dans la même catégorie de morceaux calmes, presque reposants. Surtout le dernier, très doux, frisant la musique hawaïenne par moment, asiatique à d’autres. C’est une ballade très belle et très courte, ce qui est rare chez King Crimson, qui montre ici une maîtrise parfaite de la musique pop. De la pop renouvellée, sortie de la simplicité dans laquelle elle a tendance à s’enfermer, de la pop sophistiquée, travaillée, endiablée.
Morceau intermédiaire, The Sheltering Sky est composé d’un rythme de guitare continuel sur lequel viennent se greffer des solos successifs de je ne sais quoi entre trompette et clavier, avec même une sorte de solo de percussions africaines ( très présentes dans tout l’album ) à la toute fin.
Le son change déjà beaucoup plus, et sonne plus King Crimson sur Indiscipline, morceau assez stressant, en mineur, avec une progression lente. Typiquement le genre de morceau pessimiste qui a pu inspiré Steve Wilson par exemple. La première écoute est laborieuse. Mais qu’est ce que c’est que ça ? On ne perçoit la structure du morceau qu’en réécoutant. C’est l’illustration parfaite de ce dont je parlais plus haut : une impression d’incontrôlable parfaitement contrôlée.
Plus rock, Thela Hun Ginjeet est une sorte de dialogue absurde. Il n’y a pas vraiment de chant, c’est plus une petite histoire qui nous est raconté. C’est vraiment un très bon moment que l’écoute de ces quelques minutes, avec toujours la même maîtrise des instruments, surtout ici des percussions.
Et je finis par le morceau qui est resté le plus célèbre de ce disque, le premier : Elephant Talk ( le discours de l’éléphant ). Faut-il y avoir une allusion à l’éléphant des Républicains aux Etats-Unis, d’autant que d’autres musiques parlent de l’Amérique ? Je ne sais pas.
Talk, it’s only talk
Arguments, agreements, advice, answers,
Articulate announcements
It’s only talk
Talk, talk, it’s only talk
Debates, discussions
These are words with a d this time
Dialogue, dualogue, diatribe,
Dissention, declamation
Double talk, double talk
C’est une musique puissamment hallucinogène je trouve. Un peu paralysante, pas mal repoussante. Mais géniale. Putain, ouai c’est génial. Entre la basse de Tony Levin impressionnante de virtuosité et les rugissements éléphantesques de la guitare de Robert Fripp, je n’ai jamais rien entendu de semblable.

Et ça c’est la phrase qui fait rire Fripp de satisfaction.

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